Souvent considéré comme la prochaine itération d’Internet, le métaverse est appelé à jouer un rôle clé dans la transformation numérique de l’économie. Mais s’agit-il d’un simple engouement ou d’une tendance avec une réelle substance ? Nous nous sommes entretenus avec Arnaud Lambert, directeur de la transformation numérique, et Sara Bouchon, directrice du département Market Intelligence chez Luxinnovation, pour en savoir plus.

“Imaginez un monde virtuel où des milliards de personnes vivent, travaillent, font des achats, apprennent et interagissent les unes avec les autres, le tout depuis le confort de leur canapé dans le monde physique.” C’est ainsi que Techtarget.com présente le métavers, un concept qu’il définit comme “un espace virtuel 3D unique, partagé, immersif et persistant, où les humains font l’expérience de la vie d’une manière qu’ils ne pourraient pas faire dans le monde physique”.

Un concept à un stade précoce

“Aujourd’hui, nous utilisons des technologies telles que la réalité virtuelle ou mixte, ou les jumeaux numériques, qui impliquent toutes des interactions avec des copies numériques d’objets physiques. Cependant, le métaverse va beaucoup plus loin : c’est un nouveau monde, qui offre une immersion totale et un véritable sentiment de présence dans un environnement virtuel qui a des liens forts avec la réalité”, explique Arnaud Lambert.

La croissance attendue est énorme : GlobalData a fait état d’un marché des métavers de 22,8 milliards de dollars en 2021, mais prévoit qu’il atteindra la somme vertigineuse de 996,4 milliards de dollars en 2030. “Le potentiel semble illimité, et le métavers devrait avoir une énorme influence sur la société”, déclare M. Lambert et le compare aux premiers stades d’Internet qui, bien que très limité au départ, a révolutionné nos vies privées et nos pratiques commerciales. “Dans le même temps, le métaverse est encore à un stade de développement très précoce. Les attentes doivent encore être confrontées à la réalité, et les défis technologiques sont énormes.”

Le Luxembourg et le métavers

En tant que technologie disruptive et catalyseur d’innovation, le métaverse est évidemment dans le radar du ministère de l’Économie et de Luxinnovation. En juillet 2022, le département Market Intelligence de Luxinnovation a mené une étude pour mieux comprendre quelles entreprises se sont positionnées sur le marché des métavers au Luxembourg.

“Il existe actuellement trois principaux projets de métaverse au Luxembourg : le Duché, le Luxembourg Megaverse et un projet prévu par le leader américain du métaverse Infinite Reality”, explique Sara Bouchon. “C’est un point de départ, mais nous voulions une compréhension plus complète de tous les acteurs qui se positionnent sur ce marché. Outre l’analyse de diverses bases de données, nous avons parlé à plusieurs acteurs clés pour obtenir leur avis. Leurs commentaires ont été très précieux, et je les remercie tous pour leur contribution.”

L’analyse a permis à l’équipe de Market Intelligence de classer les acteurs du métaverse luxembourgeois en cinq catégories, en fonction de leur niveau d’implication. “Nous avons appelé la première catégorie les “enthousiastes du métaverse”, explique le Dr Bouchon. “Ce sont les précurseurs, qui sont impliqués dans les projets en cours et qui ont des modèles d’affaires basés sur des technologies essentielles pour le métaverse, comme la réalité virtuelle et augmentée.”

Les “observateurs du métaverse” expriment leur intérêt pour le marché, mais attendent de voir comment il évolue avant de s’impliquer pleinement. Les “metaverse enablers” ne sont pas directement impliqués dans la chaîne de valeur du métaverse, mais peuvent aider à construire l’écosystème et faciliter l’accès au marché. “Il s’agit par exemple de centres de recherche et de cabinets de conseil”, explique le Dr Bouchon. Les “early bird adopters” sont des entreprises qui participent à au moins un des projets locaux. La dernière catégorie, les “investisseurs métaverse”, sont des fonds d’investissement situés au Luxembourg qui ont déjà investi dans une ou plusieurs entreprises métavers, bien qu’aucune d’entre elles ne soit actuellement située au Luxembourg.

“Le nombre d’acteurs luxembourgeois répertoriés dans notre étude sur les métaverses est encore modeste, mais il est important de tenir compte de la jeunesse du marché”, déclare le Dr Bouchon. Elle souligne également que l’analyse a été réalisée il y a six mois. “Au cas où d’autres acteurs penseraient devoir être inclus, nous les invitons à nous contacter à l’adresse knowledgehub@luxinnovation.lu.”

Un avenir fait d’opportunités et de défis

Actuellement, le métaverse est principalement utilisé pour les jeux et les médias sociaux, mais il existe un énorme potentiel dans d’autres domaines d’application. “Je pense qu’il donnera naissance à de nouveaux modèles commerciaux dans pratiquement tous les secteurs”, déclare M. Lambert et mentionne, à titre d’exemple, le Metaverse Store FIAT récemment révélé, où les clients pourront découvrir, configurer et même acheter la nouvelle 500 avec l’aide d’une personne réelle prête à répondre à toutes les questions. “Une autre tendance intéressante est que la composante matérielle du marché – consoles, casques, lunettes, processeurs, etc. – devrait avoir un chiffre d’affaires plus important que les logiciels associés.”

Néanmoins, les défis sont énormes. “L’expérience utilisateur n’est toujours pas formidable : le chargement est lent, les choses se bloquent et les interactions laissent souvent à désirer, alors que les attentes des utilisateurs sont très élevées”, souligne M. Lambert. “Un métaverse n’est toujours pas connecté à un autre, et il faudra beaucoup de développement avant que les utilisateurs puissent se déplacer librement entre les différents environnements”. Construire un métaverse d’entreprise de bonne qualité est également incroyablement coûteux.”

Il insiste également sur la nécessité de la durabilité. “Les besoins considérables en puissance informatique, graphique et réseau signifient que le metaverse consomme d’énormes quantités d’énergie, ce qui est évidemment un problème majeur qui doit être traité. Le besoin de règles, de normes de sécurité et de conformité en est un autre. Aujourd’hui, le métaverse est comme le Far West où chacun fait ce qu’il veut, mais les risques de sécurité sont bien réels. Les opérateurs ne peuvent pas seulement collecter des données sur le comportement des utilisateurs, comme ils le font sur l’internet, mais aussi des données biométriques liées à la façon dont les utilisateurs se déplacent, parlent, etc. Le cadre juridique va évoluer, mais cela prend du temps.”

Un potentiel infini

Alors, le métaverse  est-il un simple phénomène de mode ou la prochaine grande chose à venir ? Seul le temps nous le dira, mais le Dr Bouchon et M. Lambert croient tous deux en son potentiel pour le Luxembourg. “Le Luxembourg est géographiquement petit, mais le potentiel du métaverse est infini”, déclare le Dr Bouchon. “Avec notre infrastructure de données haut de gamme et notre expertise, nous devons absolument continuer à évaluer comment nous pouvons jouer un rôle dans ce développement.”

Téléchargez une copie du rapport de Luxinnovation Market Intelligence. Entrer sur le marché des métavers : Les acteurs clés au Luxembourg

https://www.luxinnovation.lu/wp-content/uploads/2023/02/lxi-mi_lu-ourgmetaverse-ecosystem-mapping_for-publication.pdf